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L'Amateur d'Art - Novembre 1978- Couverture
L'Amateur d'Art - Novembre 1978 - article

RAPHY, c'est l'art d'aujourd'hui
 

Ce n'est pas la première fois que dans ces colonnes, nous attirons l'attention sur cette certitude : les créateurs qui sont en train de réaliser le grand art de notre époque ne sont pas ceux sur qui sont braqués les projecteurs de l'actualité.

Nous savons aussi que le lecteur est avide de connaître les noms de ceux qui semblent appelés à recevoir la consécration de cet infaillible critique d'art qu'est le temps.

Le contact qui vient de s'établir entre Raphy et nous est trop récent pour que nous puissions le considérer avec certitude comme un des élus de la postérité, bien que nous n'en soyons pas loin, mais ce que nous pouvons affirmer c'est que ce que nous venons de voir en présence de son œuvre exposée nous incite à le prendre très au sérieux.

Comme il apparaît que lui, le peintre, prend très au sérieux son métier d'homme créateur, lui faisant un don total de son temps libre et de tout ce qu'il porte en lui de possibilités d'expression. Ce n'est pas lui qui nous l'a dit, mais les quelque trente toiles accrochées aux cimaises de la galerie d'art du Raincy nous en ont vite convaincu et nous avons apprécié que Raphy, nous accueillant lors de la visite de son exposition, ne prononce que de simples paroles de bienvenue. La vraie peinture n'a pas besoin de baratin.

Celle-ci empoigne immédiatement le spectateur par la perfection de la technique. Matière savoureuse, sans que jamais une exagération d'épaisseur vienne entacher de suspicion le jeu des rehauts sur des tonalités obtenues le plus souvent grâce à l'utilisation savante du glacis.

Cette manipulation magistrale de la couleur est certes un atout majeur, mais ce n'est qu'un des nombreux atouts dont dispose l'auteur. Sa facilité manuelle lui permet d'exprimer sans hésitation une poésie intérieure qui, en ce qui nous concerne, nous a profondément touché.

Formes réelles ou irréelles, objets suggérés plus que décrits, imbrications de rythmes colorés, matière subtile en contrepoint. Profondeur sans plans. Légèreté sans mièvrerie. Et derrière tout cela une structure infaillible, fruit sans doute d'un très long travail antérieur.

Rien d'excentrique, mais rien de déjà vu. Tout cela sent l'authenticité, l'originalité, l'honnêteté. Ce que fait Raphy, c'est l'art d'aujourd'hui, ne ressemblant à rien de ce qui s'est peint dans le passé, mais ne reniant pas ce passé.

Certaines des grandes compositions communiquent un bonheur qui est aussi éloigné de la gaieté que la lumière qui baigne l’œuvre est éloignée de l'éclairage.

En somme, c'est cette recherche d'une lumière obtenue sans l'utilisation des contrastes, donc sans faire appel au noir, qui est la grande caractéristique de l'exposition qui vient d'être montrée au Raincy.

 

Ce n'est pas parce que cette manifestation vient de se terminer qu'il est trop tard pour voir une réunion importante des œuvres de cet artiste particulièrement intéressant.

C'est maintenant la galerie Ars Magna qui prend le relais et qui va accrocher, du 14 novembre au 4 décembre, une quarantaine de ses peintures.

Tout cela est le résultat d’un effort de longue haleine. Nous avons parlé tout à l'heure du «temps libre» dont Raphy disposait pour peindre. C'est que cet homme exceptionnel, convaincu sans forfanterie de l'importance de sa mission d'artiste, assume comme tout le monde la vie quotidienne en pratiquant un métier en lui-même déjà très absorbant et qui n'a rien à voir avec l'art.

Que les dispensateurs de subventions soient passés à côté de lui, ce n'est pas pour nous étonner, mais qu'aucun marchand n'ait pris en charge cette carrière, nous paraît beaucoup plus invraisemblable.

Il a tout sacrifié à la peinture. Il mérite que celle-ci lui apporte la récompense que méritent tant de courage, tant de talent.

Michel BOUTIN

Directeur et Rédacteur en chef de l'Amateur d'Art

Article paru dans l'Amateur d'Art n°634 du 1er novembre 1978

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