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Raphy, du rêve à la réalité
En découvrant les créations de Raphy durant l’été 84, je fus déjà subjugué par la puissance poétique de la tonalité des couleurs.
Mon regard s’étant peu à peu ouvert sur la création contemporaine, j’ai eu donc le privilège de rencontrer le maître dans son atelier de La Baule un dimanche de Mai 92. J’ai été touché par l’humilité de cet artiste et par l’intérêt passionné qu’il porte à toutes les formes d’expression artistique de la pensée.
Nous avons eu une longue conversation sur l’histoire de l’art contemporain en multipliant les repères essentiels qui sont à la base de l’évolution plastique et graphique de ces cent dernières années : Eternel débat entre formel et spirituel, Duchamp et Beuys, impressionisme et expressionisme, cubisme et constructivisme… Artiste générateur et catalyseur de souffrance …
Raphy est avant tout notre magicien d’oz, le peintre des lumières et des transparences conjuguant avec génie les couleurs de tous les arcs-en-ciel de la terre. Il est la vie même et sa création est empreinte d’un talent émotionnel hors du commun.
Entre abstraction, liberté, résurrection, il nous révèle le sens sacré de l’existence.
Au-delà de mes impressions premières j’ai cherché à mieux comprendre le cheminement de cet artiste exceptionnel pour analyser son œuvre qui est digne de tous les intérêts et de toutes les recherches plastiques.
Comprendre Raphy c’est ne pas ignorer ses blessures pour ne plus occulter dans l’histoire de l’humanité la mémoire d’un peuple mutilé et décimé par la cruauté des hommes.
Raphy ou la reconnaissance de l’Arménie, traversant les années difficiles jusqu’à l’aboutissement d’une œuvre picturale riche et habitée de Tous les Tourments mais aussi de toutes les joies de l’existence.
Aimer la peinture de Raphy c’est aimer la vie dans sa magnificence absolue.
Raphy n’est pas un homme triste, sa création est surtout un hymne à la joie retrouvée. C’est l’image de la beauté éclatée dans une multitude de paysages chromatiques sublimés par le lyrisme renaissant de la couleur.
Il est le grand chef d’orchestre qui organise l’espace de ses toiles dans un ballet et une symphonie de volutes, d’éléments géométriques saupoudrés d’une lumière visionnaire baignant dans un rythme éloquant et sublime.
L’Oeuvre se réfère souvent aux bouleversements de notre existence et aux phénomènes terrestres qui habillent notre quotidien.
Dans cette valse solitude où la couleur bleue de l’océan déchire la toile dans un éclatement d’indigo mélancolique, Raphy nous ouvre le chemin de la passion grâce à une création maîtrisée et exécutée avec une précision absolue et une rigueur permanente.
Raphy ou la vision d’une apocalypse soudaine entre renaissance et cosmos idéalisé sans cesse transfiguré par le gemme d’une imagination surprenante.
Le peintre ayant souvent pour habitude de reprendre ses anciennes toiles pour leur conférer une émotion nouvelle en atteignant à chaque fois le paroxysme de la perfection.
Dans cet étonnant tourbillon de lumière ou l’abstraction des formes géométriques en mouvement, je contemple l’Oeuvre de cet artiste qui m’invite à une quête infinie de spiritualité et de méditation sans cesse renouvelée. Il faudrait beaucoup de mauvaise foi artistique pour ne pas reconnaître le génie, le talent, l’harmonie totale obtenue dans le travail et l’organisation des formes qui nous apparaissent dans un jeu de couleurs primaires.
L’homme d’une très grande générosité insuffle à son œuvre de larges connotations mystiques qui confortent sa recherche formelle dans un idéal spirituel dominé par la religion catholique. Raphy, ou le miracle de la vie, de la résurrection, thèmes dominant dans le christianisme…
Il m’a longuement évoqué le pouvoir affectif et émotif de la musique qui ressort comme un leitmotiv et comme une évidence à la vue de ses œuvres.
Il n’y a pas de plus bel hommage que ce “Vaisseau fantôme” si cher à Richard Wagner. Nous pouvons imaginer Raphy décorant le théâtre de Bayreuth* dans un requiem de couleurs et d’allégories à la gloire de son créateur de génie.
A la recherche de ce temps perdu immortalisé par Marcel Proust, la nostalgie de l’Orient n’est plus ce qu’elle était et les stigmates de l’exil voyagent dans la pensée et la création de Raphy. La peinture serait-elle un exutoire à l’éveil des sentiments d’un passé révolu? Dans ce no man’s land de l’indifférence où le sublime côtoie la réalité de la vie, l’artiste tisse la toile sonore de nos souffrances, de nos rêves mais aussi de nos espérances. C’est le magnifique message de Raphy.
Raphy me parle de Cézanne, de Kandinsky, de Chagall, de son professeur et maître Adam… Il est à mes yeux le digne successeur de ces artistes majeurs du XXè siècle.
Le thème de l’oiseau, seul élément figuratif des compositions abstraites serait-il l’unique liaison entre notre monde chaotique et déchiqueté par la violence et le paradis de cet artiste.
Vivre, mais vivre d’aimer la couleur dans cette litanie poétique ou la création de cet homme exceptionnel nous ouvre les portes de la vie et les pages d’une pensée philosophique et universelle dans un élan d’amour auréolé par la magie d’un cri d’espoir.
“Sois le maître et le sculpteur de toi-même” comme le disait si bien Nietsche, je dirai que le talent ne s’invente pas et que tout est question d’amour et de travail.
* Bayreuth, ville allemande de Baviere où Richard Wagner a fait construire un théatre (le Festspielhaus, financé par Louis II de Baviere) destiné a représenter uniquement SES OPERAS.
Christophe GALLARD
Extraits de sa thèse sur l’art contemporain - 30 mai 1992
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